dimanche 15 août 2010

Jeanne Guyon


Le nom de Madame Guyon, femme, écrivain et mystique, reste attaché à une querelle religieuse dont les champions, Bossuet et Fenelon s'affrontent au dessus d'elle tandis qu'elle est incarcérée d'abord à Vincennes puis à la Bastille. Le combat se déroule à la cour du roi-soleil, Louis XIV, alors au faîte de sa puissance.

Le mysticisme est regardé comme contraire aux intérêts temporels, Madame de Maintenon d'abord séduite par la lumière spirituelle de Madame Guyon craint la défaveur du roi, elle cherche le soutien de Bossuet qui attaque Fénelon, le disciple de Madame Guyon. Rome est alertée, la carrière d'un illustre prélat est brisée, Madame Guyon, abandonnée, est confinée à la Bastille pendant plus de 7 ans.

Et pourtant, dans toute l'histoire de l'Église, peu de personnes ont atteint comme Madame Guyon un tel sommet de spiritualité et de dévotion. Tout au long de sa carrière, et toujours sans justification, elle sera soupçonnée, calomniée, maltraitée et persécutée. Son seul crime est d'aimer Dieu, de clamer innocemment son amour, et de vouloir en faire partager les fruits.

Jeanne-Marie Bouvier de la Motte naît à Montargis, le 13 avril 1648, de parents «qui faisaient profession d'une fort grande piété» et qui la trimbalent, de 2 à 11 ans, d'un couvent à l'autre, chez les Ursulines, les Dominicaines et les Bénédictines, avec des alternances à la maison. Très douée, la petite aime lire, rêver et prier.

Adolescente, elle se délecte de romans et de lectures spirituelles. Une vie de Jeanne de Chantal la marque profondément, de même que les oeuvres de François de Sales. Elle a des élans mystiques, ce qui ne l'empêche pas d'éprouver très tôt un émoi amoureux pour un cousin. C'est qu'elle est belle, et elle s'en réjouit, mais elle est aussi douce, ardente et énergique.

À 15 ans, elle est mariée avec Jacques Guyon du Chesnoy, un riche parti de 22 ans son aîné, malade, querelleur et mesquin. Elle sera toujours une excellente épouse et mère, mais pour surmonter sa vie conjugale difficile (cinq maternités, perte de deux enfants), elle s'adonne à l'oraison, à l'ascèse et à la mortification, mais surtout à la mystique de l'esprit d'enfance, de confiance et d'abandon, qui correspond à son tempérament joyeux et rayonnant.


Veuve à 28 ans, elle se retrouve libre et fortunée. Écartant des offres de mariage, elle poursuit son aventure spirituelle. Elle renonce à sa propre volonté pour se laisser habiter et mouvoir par la volonté de Dieu «comme un petit poisson dans la mer.» C'est une passivité active mais assumée dans la joie et la louange.

À 32 ans, elle quitte le foyer et entreprend une vie voyageuse. Elle va d'abord à Paris où elle rencontre Mgr D'Arenthon, évêque de Genève, qui l'attire vers les Nouvelles Catholiques, une oeuvre vouée à l'éducation religieuse des protestantes converties. L'évêque, qui convoite sa fortune, la dirige à Gex, où un nouvel institut vient d'être fondé. Madame Guyon comble l'oeuvre de dons mais refuse de s'y engager par des voeux. Elle se méfie de certains aspects de l'oeuvre. Après des pressions, l'évêque la met en demeure de partir ou de rester. Elle part. Une campagne de calomnies est alors déclenchée contre elle.

Elle se réfugie à 35 ans chez les Ursulines de Thonon où elle passe deux années décisives. Elle approfondit sa pensée et découvre que son expérience spirituelle est communicable. Elle écrit le Moyen court et très facile de faire oraison, appelé le Moyen Court. Elle compose aussi Les Torrents, long poème théologique sur le thème du Pur Amour.

À cette époque d'intolérance, écrire sur des matières religieuses est déjà périlleux. Mais pour une femme, laïque par surcroît et liée à aucun ordre ou clan religieux, le danger est extrême, d'autant plus que la démarche spirituelle de Madame Guyon est éminemment personnelle.

La population française est composée de plus de 90% de catholiques. Les huguenots (protestants calvinistes) sont l'élite économique du pays. Le roi est sur le point de révoquer l'édit de Nantes qui accorde des droits minimes aux protestants. Ils seront alors persécutés et quitteront massivement le pays.

L'affaire Molinos vient de faire du bruit. Selon la doctrine de ce théologien espagnol, il est possible d'atteindre la perfection chrétienne dans un état de contemplation passive et d'absorption en Dieu (quiétude). Ses oeuvres sont à la veille d'être condamnées par Rome, et Molinos mourra en prison. Tout ce qui se rapproche du quiétisme devient suspect. La chasse aux mystiques est ouverte; ils sont traqués comme les sorcières des siècles passés.

Le Moyen Court est publié à Grenoble en 1684 et connaît un succès immédiat. Madame Guyon écrit Examen de l'Écriture sainte. Partout où elle va, Turin, Marseille, Grenoble, elle attire des foules qui l'écoutent parler avec simplicité et conviction de sa dévotion d'amour. Elle a le don de la parole. Après avoir fondé un hôpital à Verceil, elle se rend à Paris, où elle s'installe au cloître Notre-Dame. Elle a 40 ans.

Elle se fait des ennemis que sa piété et son rayonnement enragent. La calomnie se transforme en acharnement. Accusée de débauche et de quiétisme, elle se tire d'embarras. Internée pendant 7 mois au couvent de la Visitation, elle est interrogée sur le Moyen Court. Dans l'intervalle, elle publie néanmoins un Commentaire du Cantique des Cantiques.

Libérée, elle se retire chez Mme de Miramion. À la cour, un cercle de fidèles se forme autour d'elle avec la Confrérie du Pur Amour. Fénelon qui est le précepteur du dauphin et occupe une place importante à la cour devient son disciple ainsi que les ducs et duchesses de Chevreuse et de Beauvillier qui lui resteront fidèles durant près de trente ans. Jeanne Guyon écrit la Vie, une sorte d'autobiographie spirituelle que Bossuet lui a ordonné d’écrire en vue de la piéger.

Une commission (dont fait partie Bossuet) est chargée d'examiner la doctrine de Madame Guyon. Elle rédige ses Justifications, et Fénelon, ses Recueils. Bossuet, soutenu par Madame de Maintenon, condamne la mystique et les écrits de Madame Guyon.

Madame Guyon, qui n'est plus qu'un simple pion sur l'échiquier, est arrêtée et détenue. Fénelon publie sa retentissante Explication des maximes des saints. Bossuet riposte par l'Instruction sur les états d'oraison qui s'attaque violemment à Madame Guyon. Le roi appuie Bossuet. Fénelon soumet ses Maximes à la censure de Rome. Rome cède à la pression de Louis XIV et condamne Fénelon.
Quant à Madame Guyon, elle est transférée à la Bastille, où elle y reste sept longues années. Elle en sortira à cinquante-cinq ans, le 24 mars 1703, sur un brancard.

Il lui reste un peu plus de treize années à vivre. Elle les consacre à former à Blois des disciples catholiques et protestants, les ouvrant à la vie intérieure dans une discrétion totale. Elle meurt paisiblement le 9 juin 1717 à 69 ans, deux ans après le décès de Fénelon.

Rien ne manque à mon âme

De la quiétude en Dieu

1 commentaire:

  1. passionee par la vie de madame guyon pour raison personnelle qui pourrait paraitre ridicule pour certaines personnes mais je sais que pour madame guyon cela est juste et c est la le principal

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